les chroniques des réunions du Journal Intime Collectif de Paris |
|
|||||||||||||||||
|
Jamais
autant de textes ne nous sont parvenus par internet.
|
||||||||||||||||
nous
vous invitons à nous envoyer des JIC des pays où vous
serez durant l'été.
|
|||||||||||||||||
Avril
1999. Palais de Tokio. 18 avril 1999, 2 heures 30 Rue Juliette Dodu, Paris 10ème. Lundi 19 avril, vers 16 heures. Dans le bus 84, en direction du Luxembourg. Mercredi 4 mai 1999 00h38. Station de RER Chatelet-les-Halles : quai direction Massy Palaiseau. 9 mai 1999, vers 15 heures. Jardin du Luxembourg. Mardi 18 mai, 10h15. Dans le bus 63, au niveau du pont de l'Alma. 9 juin 1999, 20h30. Boulevard de Ménilmontant, juste avant le Soleil. Jeudi 17 juin 1999, 7h 20. Métro Ménilmontant. Vendredi 18 juin, vers 10h. Métro ligne 6, direction Charles de Gaulle. 19 juin 1999 15h12. Métro Saint Maur. |
|||||||||||||||||
Avril
1999. Palais de Tokio. |
|||||||||||||||||
Un homme et une femme aux cheveux grisonnants ensemble regardent la première toile de la première salle " Subway…1936 " - Rothko. Ils se reculent, ils sont à distance et balancent lentement. Le vieil homme se rapproche de la femme et lui dit à l'oreille doucement : " tu vois, il est comme toi, il prend souvent le métro ". | |||||||||||||||||
18
avril 1999, 2 heures 30 rue Juliette Dodu, Paris 10ème. |
|||||||||||||||||
Une nuit froide et venteuse, presque silencieuse. Sur le trottoir, côté Hôpital Saint Louis, dans l'ombre d'un camion-frigo, il y a un homme, debout. Il ferme son pantalon, un jean bleu foncé, neuf. En tripotant sa ceinture, l'homme traverse la rue et s'arrête devant un parcmètre qu'il contemple intensément. Dans l'ombre du camion-frigo, sur le trottoir, il y a un papier froissé, et juste à côté un grand caca fumant dans le froid. A quelques mètres de là, dans une Renault 5, deux hommes sont en train de se taper sur les cuisses. Ils rigolent. De l'autre côté de la rue, l'homme au jean neuf regarde toujours intensément le parcmètre. | |||||||||||||||||
Lundi
19 avril, vers 16 heures. Dans le bus 84, en direction du Luxembourg. |
|||||||||||||||||
En bas de l'esplanade de Chaillot, au bord des bassins, sont exposées des voitures de course, anciennes, en grand nombre. De l'autre côté des barrières Vauban, le public se presse. Les logos de grandes marques s'étalent en grandes banderoles colorées. Un trio de mamies, dans le bus : "C'est pour le Kosovo !". | |||||||||||||||||
Mercredi
4 mai 1999 00h38. |
|||||||||||||||||
Sur la pendule ronde qui pend au dessus du quai d'en face totalement vide, la grande aiguille tourne, entourant la petite dans un mouvement lent et régulier, elle la pousse d'heure en heure. Du milieu gauche, elle gravit les tirets sur le cercle, la grande fait un tour, la petite suit. Il est bientôt 9h puis 10, 11 et sans freiner, la petite atteint le haut du cercle de la pendule, alors la grande s'arrête doucement au tiers inférieur du côté gauche. Quelques minutes s'écoulent, le train arrive, les aiguilles s'affolent à nouveau. | |||||||||||||||||
9
mai 1999, vers 15 heures. Jardin du Luxembourg. |
|||||||||||||||||
Les
guirlandes de lierre sombre, le feuillage vert tendre des arbres qui les
dominent oscillent au rythme donné par les rides laissées dans le sillage
d'un colvert. Quelques feuilles flottent au-dessus de l'ouate d'un nuage
unique, d'autres débris pourrissent dans l'eau du bassin. Assis dans l'ombre, téléphone portable collé à l'oreille, un homme aux cheveux gris et au polo noir se plaint d'avoir eu mal toute la journée de la veille. Il parle de séquestre, de stock options, de combines, de Caisse de Dépôt et Consignations, de réunion du lundi à annuler, de pognon dont il n'a rien à foutre, du frère de son interlocuteur, de bazooka et B52 à sortir, des relations du frère qui sont des poubelles. Le colvert s'envole avec difficulté, le cou tendu vers le ciel. Un second nuage fait tache dans l'azur. |
|||||||||||||||||
99
juin 1999, 20h30. Boulevard de Ménilmontant, juste avant le Soleil. |
|||||||||||||||||
Telle une lumière au milieu des blattes, le lacrimogène fait fuire les passants d'où se lèvent les jurons multilingues. Émergeant de la fumée épaisse, un asiatique grand et blanc, la moustache effilochée, sort de l'épicerie en courant et en agitant un grand couteau d'équarisseur. Ses deux mains sont gantées en latex. | |||||||||||||||||
Mardi
18 mai, 10h15. Dans le bus 63, au niveau du pont de l'Alma. |
|||||||||||||||||
Le
bus avance à très faible vitesse. Les passagers, assez nombreux, s'expriment
peu. Soudain, de gros coups sont frappés contre la vitre de la porte avant du bus, le chauffeur la fait s'ouvrir, une voix extrêmement forte jaillit à l'intérieur : "ARE WE IN THE RIGHT DIRECTION ???? IS IT THE RIGHT WAY TO THE TUREFEL ???". Les voyageurs se regardent, l'air stupéfait. La porte avant se referme, le bus reprend lentement de la vitesse, passant à peu de distance, sur sa droite, d'un groupe de femmes âgées, portant plans, sacs à dos, et tennis blancs. |
|||||||||||||||||
jJeudi
17 juin 1999, 7h 20. métro Ménilmontant. |
|||||||||||||||||
Des
voix rebondissent sur une affiche fraîchement collée. - Merde ! - Oh putain, encore ! - Oh là làaaa... même pas de bus... - C'est pas vrai! Ils pensent pas aux gens qui travaillent ! - De Blanche à Belleville, ils se foutent de la gueule du monde ou quoi ? - Font chier... - Quoi ? Doit bien y avoir un bus, non ? - Veuillez emprunter les correspondences, non mais je rêve ! - Pero coño... - Mince... regarde chérie, y aura plus de métro pendant deux mois. - Mamie, je dois faire pipi. |
|||||||||||||||||
Vendredi
18 juin, vers 10h. Métro ligne 6, direction Charles de Gaulle. |
|||||||||||||||||
Le
métro entre dans la station Cambronne. " Meeeerde ! Meeeerde ! ", s'exclame un voyageur, moustachu, couperosé de frais. Puis, à voix basse à la femme qui lui fait face : " Vous avez compris ? Passque les gens, hein, y captent rien, les cons c'est pourtant simple ! ". La femme sourit. La voix de l'homme se fait de plus en plus forte : " Moi, chaque fois que je passe ici, je dis Meeeerde ". A voix basse : " Hé oui ! c'est con ! ". Il rit tout seul. A l'approche de la station suivante, l'homme dit d'une voix chantante, en faisant des arpèges : " Motte-Picquet ! " et quitte le wagon. |
|||||||||||||||||
19
juin 1999 15h12. Métro Saint Maur. |
|||||||||||||||||
Le type avance vers les machines à billet, un grand mec s'en va en sens inverse puis s'arrête et reviens, interpelle le type "s'il vous plaît!" il fouille dans ses affaires et sort un porte cartes en cuir noir en le brandissant sous le nez du type "d'abord, attendez, je vais vous montrer mon badge", il sort un truc en fer blanc avec RF dessus et il dit "je suis de la police est ce que je peux passer avec vous, je n'ai pas de ticket ?". le type rigole "oui, c'est toujours un plaisir de faire régner l'ordre", il passe et retient le tourniquet, le flic dit merci. | |||||||||||||||||
|