les chroniques des réunions du Journal Intime Collectif de Paris |
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La
première réunion de l’année 1999, a été
une des plus réussies depuis la naissance
du Journal Intime Collectif et a produit un des meilleurs
« crus » de textes. 10 personnes étaient présentes :
7
possèdent une connexion internet ( et sont donc sur la mailing
liste).
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Le projet de base de données du Journal Intime Collectif interrogeable par date, thème, quartier etc. a été évoqué. A l’occasion de la fête de l’Internet, je souhaite mettre en ligne un formulaire qui permettrait aux internautes de saisir des textes-jics et d’initialiser cette base de données. Une
question majeure se pose autour de ce projet : En revanche, la consultation des textes (et des images, si vous vous y mettez) à travers une base de données permettant une ballade dans la ville me semble une très bonne idée. J’étudie actuellement les différentes possibilités de mise en œuvre. Nous proposerons le formulaire à titre d’expérience. Je
vous ai livré mon sentiment et mes réflexions en vrac.
Je serais heureuse de recevoir vos remarques ou vos propositions ce
qui me permettra d’enrichir la FAQ
de la question suivante: Quel est l’intérêt pour le Journal
Intime Collectif d’avoir un site internet? Caroline
Sarrion
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lus lors de la réunion du 22 janvier 1999 |
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Lundi
14 septembre 1998, 20h. Départ : Station de RER "Gare du Nord". 29 octobre 1998, de 16 heures 15 à 17h. Café Le Sorbon, rue des Ecoles,Ve. Novembre 1998. Café Le verre à Pied, rue Mouffetard, Paris Ve. 19 Décembre 1998, 13h. Au restaurant Osez la carotte grand'mère, au quartier des grands magasins de la rive droite. Lundi 11 janvier 1999. Boulevard Massena, hauteur porte d’Ivry. Jeudi 14 janvier 1999. Métro Ménilmontant, Entre 20h00 et 20h.40 Mardi 19 janvier 1999, 14 heures. rue Doudeauville, Paris 18ème. 22 janvier 1999, 8 heures. Quai de Loire Paris 19ème. |
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Lundi
14 septembre 1998, 20h. Départ : Station de RER "Gare du Nord". |
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Un
jeune homme, une fesse sur le dur fauteuil bleu, est complètement
tourné sur le côté vers une jeune fille. Les deux
coudes posés sur les genoux, sa main à lui pend au niveau
de son tibia à elle. Elle, se tient bien assise, les jambes croisées,
face au quai. Ils se parlent, et insensiblement pendant qu'il parle, sa main à lui se laisse tomber doucement sur son tibia à elle. Elle décroise les jambes puis les recroise, un peu plus loin de la main. Un peu plus tard, la main se retrouve à nouveau sur le tibia. La fille se raidit, sans se dégager. Ils continuent de parler, elle, rit de temps en temps, et lui aussi. Et il approche son visage du sien, colle ses lèvres aux siennes qui ne se desserrent pas, elle n'a pas bougé du tout. La rame arrive, ils se lèvent, il passe un bras autour de ses épaules, elle avance vite et entre un peu précipitamment dans le compartiment sans le bras. Dans le
compartiment, un homme et une femme noirs sont assis face à face,
leur longues jambes entrecroisées. A la station
Châtelet Boulevard
Montparnasse, une jeune fille à sac à dos et un jeune
homme à lunettes se séparent devant une porte, la jeune
fille compose le code et l'autre tout en s'éloignant demande
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29
octobre 1998, de 16 heures 15 à 17 heures. Café "Le Sorbon", rue des Ecoles,Ve. |
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Le
livre — Big Sur de Henry Miller — est ouvert à la première
page du premier chapitre, intitulé In The Beginning. Son lecteur est un vieux monsieur, aux cheveux blancs restants tirés vers l’arrière du crâne, portant lunettes de verre épais, un strict veston bleu marine. Le pli du pantalon à larges carreaux est impeccable, les chaussures quoique ridées brillent de cirage noir. De temps à autre, le vieux monsieur plonge une main tavelée dans l’emballage d’une pâtisserie, l’agite à l’intérieur du sachet en papier et en sort un petit morceau de pain au raisin, qu’il enfourne dans sa bouche et avale avec une gorgée de thé. Tout le temps que dure ce rituel, le vieux monsieur ne lâche pas des yeux son livre. Une demie heure a passé. L’absorption complète du gâteau s’achève par le lent froissement du sachet et sa réduction en une boule de papier chiffonné. Le vieux monsieur, qui n’a cessé de fixer la même première page du chapitre intitulé In The Beginning, referme le livre, se tourne vers le fond de la salle et marmonne à part soi « Est-ce qu’il va me rendre mon monnaie à la fin ? » Le vieux
monsieur étant parti sans avoir obtenu satisfaction, un autre
vieux monsieur à lunettes le remplace. Assis à sa gauche,
un homme rédige un texte dans un carnet à la couverture
rouge. Lorsqu’il a fini d’écrire, celui-ci laisse vingt francs
sur la table, range son stylo, referme le carnet, le range dans sa poche
et se lève. Le vieux monsieur l’interpelle avec un accent hispanique
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Novembre
1998. Café « Le verre à Pied », rue Mouffetard, Paris Ve. |
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Il
pleut elle entre cheveux de neige ruban de velours sans demander elle est servie boit du bout des lèvres vin blanc deux jeunes gens sont assis mains en lacées regard plongé capturé aveugle elle les voit détourne les yeux verre à la main suspend son geste et sourit |
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19
Décembre 1998, 13h. Au restaurant « Osez la carotte grand'mère» , au quartier des grands magasins de la rive droite. |
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La
femme N°1 : — Ravissant. La femme N°2 : — Et pratique. La femme N°1 : — Ravissant. La femme N°2 : — Et pratique. La femme N°1 : — Un cachet fou. Quelle originalité ! Fallait y aller. Fallait. La femme N°2 : — Fallait, c'est sûr. Y'a qu'aux Galeries Lafayettes qu'y font ça. L'an dernier c'était le coin cingalais, ou sénégalais, je ne me souviens plus bien, c'était pas mal non plus. La femme N°1 : — Je n'avais pu y aller . En tout cas il n'y avait sûrement pas de lampes en os ! La femme N°2 : — Ah! le coin afghan, que veux-tu, mémère ! Dire qu'ils sont en train de s'étriper là-bas. Y font pas de vieux os, hi hi hi ! La femme N°1 : — Ah bon ? La femme N°2 : — C'est la guerre, mémère, là-bas, paraît-il. Y'a même des p'tits Russes tout roses qui s'y sont fait tuer ou amocher, à la pelle, qu'y disaient à la télé. La femme N°1 : — Là, je vais chercher une des lampes dans le sac, la petite, la de chevet. Je voudrais la revoir de près. Mais regarde, regarde-la donc. On dirait vraiment de l'os (elle prononce :de l' ausse), de l'os nature bien verni. Quel travail ! Ca c'est de l'artisanat! La femme N°2 : — Artisanat afghan, c'était écrit. Ne crois-tu pas que c'est de l'os nature ? La femme N°1 : — Ben non! Ce ne serait plus de l'artisanat. Et puis de l'os de quoi ? De chien, de boeuf, de mouton, de chameau, de lévrier, de gazelle ? La femme N°2 : — Sculpté dans l'os, peut-être. De l'os d'un gibier spécial de ces pays... d'Afghanistan (Elle prononce : Afghanistâne), ou d'un singe quelconque. La femme N°1 : — En tout cas c'est ravissant, et pas cher! La femme N°2 : — Et pratique. Celle-ci peut se poser dans n'importe quel petit coin. La femme N°1 : — Et le lampadaire, quel bel os ! On dirait une vraie colonne vertébrale ! J'ai été séduite tout de suite. La femme N°2 : — Encore faut-il savoir où le mettre chez toi... Le garcon
se présente,avec ses longs cheveux huilés coiffés
en arrière : Et papoti et papota, les mémères barbottent etc. etc. Et voilà qu'arrive près de leur table un monsieur assez grand, un peu voûté, plutôt brun, col ouvert, la bonne quarantaine. La femme
N°1 : — Ah! mon Jacquot, tu n'as pas idée comme c'est ravissant!
Tiens, viens les voir, mes lampes-z'en ausse du « Coin afghan
» ! Jacquot
regarde déjà distraitement les objets qu'elle a extraits
de ses sacs, puis soudain les observe de près,les tourne et les
retourne : |
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Lundi
11 janvier 1999. Boulevard Massena, hauteur porte d’Ivry. |
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Le vent du périphérique siffle et vrombit, s’élève et s’unit aux lames glacées du ciel pour lisser les tours, les cubes, les barres d’appartements, pour faire vibrer de sons métalliques les tiges des arrêts du PC et agiter les branches argentées d’un sapin de noël presque sans aiguilles qui gît de travers sur le trottoir. | |||||||||||||||||||
Jeudi
14 janvier 1999. Métro Ménilmontant, Entre 20h00 et 20h.40 |
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Le
quai grouille de personnes humides. Il grouille de plus en plus. Ceux
qui arrivent de l’extérieur ralentissent au tournant de l’escalier.
Quelques uns battent violemment les pieds au sol et en dégagent
un résidu de neige. Ils regardent ici et là, parfois posent
une question : ...fait longtemps...? Quart d’heure, demi-heure, s’épaississent les réponses. ... qu’y se passe ? .... sais pas, z’ont pas dit L’humidité monte. Les haut-parleurs sifflent et rugissent, sans pour autant laisser filtrer de mots. Un homme en imper fin et tennis en toile, bien humide, appuie sur le bouton « chef de gare ». — Ha! — dit-il en se tournant vers une femme dont le bas du pantalon violet traîne au sol, alourdi par l’humidité — elle a la tête dans le web, celle-là ! — Le chef de gare ? — Ouais, elle dit qu’y a un train tous les vingt minutes, elle a qu’à descendre pour savoir que ça fait une demi heure qu’on en voit pas, ou cliquer sur son putain de site. Elle dit qu’elle est seule... — Mais c’est pour la neige ? — C’est ça, ya de la neige on line. La tête dans le web, je vous dis! Et ils s’en reprend au bouton « chef de gare ». Un craquement en sort. Ils tourne à nouveau vers la femme au pantalon violet et s’exclame avec douceur : — Je proposerai à la RATP d’installer un terminal avec leur putain de site dans chaque gare. En plus je me les caille ! — Ah non, là il faut un téléphone — intervient une deuxième femme, l’air tendu dans son humidité — ou un portable, regardez-le, celui-là, il appelle pour dire qu’il sera en retard, ah c’est pratique, ça sert à se calmer, à rassurer... — On vous attend ? — fait la première femme, distraitement. — Je vais au théâtre mais bon, ça calme quand même, ça rassure... — Ah, je vois — dit l’homme — vous aussi, la tête dans le web...Décliquez-vous, tout va bien! — Qu’est-ce qu’il dit ? — elle demande à la première femme, tout en lui lançant un regard brechtien. Mais la première femme est occupée à fixer le train plein à craquer qui arrive et à se frayer un passage pour se parer devant le mur de gens humides, pile en face de la porte. Lui, il crie dans l’interphone : — ache té té pé double slash doublevé doublevé doublevé point slash erratépé point com, c’est pour savoir si le train arrive, madame! |
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Mardi
19 janvier 1999, 14 heures. rue Doudeauville, Paris 18ème. |
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La rue Doudeauville interrompt un instant la litanie de ses facades lépreuses pour enjamber d’un lourd arc métallique les voies ferrées qui depuis la Gare du Nord s’étalent en se ramifiant. Venant de la Goutte d’Or, une petite femme avance sur le pont, surmontée d’un imposant sac à dos et lestée aux deux épaules de gros bagages informes. En sens inverse vient un homme vêtu d’un manteau de cuir. L’après-midi décoloré imite une aube blafarde ; une bruine attardée colle aux boulons de l’armature métallique ; un train manœuvre en grinçant. L’homme, avançant sur la femme, ne la quitte pas des yeux, un sourire sardonique déforme ses lèvres, allume son regard. Elle, le cou tirant sa charge, fixe le vide. Au moment de croiser la femme, l’homme lève la jambe et, avec la bouche, émet un fort bruit de pet. | |||||||||||||||||||
22
janvier 1999, 8 heures. Quai de Loire Paris 19ème. |
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Les vitres de la Rotonde, bateau navette amarré au quai de Loire , sont couvertes de buée, un cycliste avec une petite fille babillante à l’avant du vélo, un garçon sur le petit siège à l’arrière, avance en zig-zag. Des promeneurs nombreux amènent leurs chiens qui tous défèquent dare-dare. La fillette : « Wouah ! Wouah…. » | |||||||||||||||||||
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