Il fait très chaud, même sous terre. Un couple parlant une
langue balkanique entre dans la rame avec une poussette vide et deux fillettes.
L'aînée des filles est collée contre un strapontin
sur lequel elle a tenté en vain de s'asseoir, faute de place. La
plus jeune, d'environ un an et demi est entièrement nue à
l'exception d'une jupette minimale et fleurie. Elle se tient souriante
d'une main à la poussette et de l'autre à la barre d'appui..
Les deux adultes parlent avec animation.
Quelques stations plus loin, un couple d'origine asiatique entre, accompagné
d'un tout petit garçon, aux cheveux noirs bien ordonnés,
habillé de bleu marine, plutôt chic. Il tient à la
main deux fleurs artificielles en tissu, l'une rose, l'autre orangée.
Sur la tige de la fleur rose est accroché un petit sachet de gaze
contenant trois dragées. La rame démarre avec ses adultes
serrés et volubiles. Plus bas, à hauteur de genoux, la petite
fille nue regarde les fleurs intensément. Le garçon, qui
se tenait à sa mère, jette un il dans la direction
de la fillette et pose sa main sur la barre, à toucher celle de
la petite. Celle-ci, utilisant son autre main, détache d'un geste
vif les doigts du garçon en fronçant les sourcils. Il a
une expression d'étonnement, un regard appuyé à nouveau
sur la fillette et repose sa main sur la barre, un peu plus haut. Mais
la petite à nouveau tente de détacher la main intruse, cette
fois ci sous un il adulte, qui lui lance dans sa langue quelques
invectives. Elle s'interrompt et regarde longuement les fleurs. Le garçon
l'observe, la main serrée sur la barre, leurs deux regards se trouvent
et il détache doucement sa propre main et vient la poser cette
fois-ci sous celle de la fillette avec un imperceptible sourire. Elle,
de même sourit plus largement et sans le quitter des yeux place
sa main encore un peu plus bas, sous celle du garçon. Le garçon
avec un regard joyeux pose sa main bien haut sur la barre, alors que la
rame arrive à la station République. La porte s'ouvre à
grand bruit et la fillette est arrachée à son jeu par la
femme, qui pour sortir plus vite la soulève de terre par le bras
en même temps que la poussette dont elle est encombrée. La
porte se referme sur le regard joueur de la petite et la rame emporte
le petit garçon et ses fleurs.
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