A cette heure de sortie de bureau, le métro est bondé.
Les voyageurs, les uns sur les autres se tassent et se bousculent en grognant.
La rame - alors en pleine vitesse - freine violemment. Les gens qui s'accrochent
à quelque chose resserrent leur prise. L'effort qu'ils font pour
se maintenir debout dessine des grimaces sur leurs visages. Les moins
chanceux s'accrochent comme ils peuvent en se rattrapant à leurs
voisins.
La rame est complètement arrêtée. Les gens se regardent.
Une dame jète un regard sombre à son voisin qui n'a pu faire
autrement que de s'agripper à elle pour éviter la chute.
Il n'y a visiblement pas de blessés. Le calme revient, la surprise
laisse place à l'attente.
Des crachotements se font entendre, dans les haut-parleurs, suivis d'une
voix au fort accent populaire. Le ton est à la fois guilleret et
amusé :
- Mesdames et Messieurs, comme vous pouvez le voir
eh bah
y'a
p'us d'courant.
Les gens se regardent et patientent en silence.
La voix hésitante reprend :
- Mesdames et Messieurs, nous attendons que le courant revienne
ça
n'devrait pas durer
enfin j'espère
enfin
c'est le
chef qui l'a dit
Des sourires apparaissent sur les visages des voyageurs, certains y vont
même d'une petite remarque amusante, d'autres enfin n'esquissent
pas la moindre réaction ,comme s'ils étaient dans le bronze.
Quelques minutes passent encore avant qu'un ne ronflement ne se fasse
entendre. La rame reprend vie, les voyageurs poussent des soupirs :
- Ah, enfin ! s'exclament certains.
Le conducteur reprend alors :
- Messieurs
enfin Messieurs et Mesdames, nous allons avancer jusqu'à
Maillot.
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