Les JIC de 2000 |
Vous trouverez parmi ces jic
des expériences un peu en travers, à travers, le JIC. Une
sorte d'extension a été proposée, le JICJI
(JI= Journal Intime). Le JIC continue de susciter des tentatives qui ont bien sur toujours trait à la volonté de détourner ces règles du jeu si impersonnelles! Jugez en vous même et bonne lecture!
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LES TEXTES | ||||||
1er janvier 2000, 4h. |
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1er
janvier 2000, 4h. Place de la République. |
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Elles sont grandes et blondes, perchées sur des souliers lamés argent
à talon aiguilles, les robes en paillettes bleu ciel (l'une) blanche (l'autre)
à peine obscurées par un manteau léger, les yeux clairs, le mascara un
peu étalé, le rouge à lèvre pâli. |
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8
janvier 2000. Couloir menant de la ligne 3 à la 4, Réaumur-Sébastopol. |
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Une
femme marche vite. Elle serre contre sa poitrine des feuilles imprimées,
un crayon couleur à la main et un autre dans sa bouche, une sacoche d'ordinateur
dans l'autre main. Elle double, elle fonce. Derrière elle, une femme à talons compensés avance à une allure déhanchante, la clope au bec. Cette deuxième femme atteint la première. Elle marche parallèle. Elle la double. Elle rentre dans la rame. La première reste sur la quai. |
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Lundi
17 janvier 2000, 20 heures. Station de métro "Grands Boulevards", ligne 8 (Balard-Créteil) |
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"Suite à un incendie station " Bonne Nouvelle ", à la demande des pompiers; le trafic est interrompu ligne 8. Nous vous invitons à prendre la correspondance". La foule compacte, impatiente mais consentante, suit l'invite et rejoint les quais de l'autre ligne, la ligne 9 " Pont de Sèvres - Mairie de Montreuil ". Comme en écho, une annonce à peu près identique les accueille : "Suite à un incendie station " Bonne Nouvelle ", à la demande des pompiers, le trafic est interrompu ligne 9. Nous vous invitons à prendre la correspondance". | ||||||
le
18 janvier 2000 Angle de la rue Brochant et de l'avenue de Clichy . |
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Volailles Boucherie Brochant. Aux Délices de Clichy. Dégustation à l'étage. Europhoto. Retouches photo, dépoussiérage, colorisation. Laverie Libre-Service, Wash House, dépôt de linge 7 kgs. Tabac Le Capri. Salle au fond. Une montre avec la deuxième pile en cadeau. On est fou de faire des prix pareils. Au Franc Bénéfice. Cadeaux, linge de maison, electronique, gadgets. Travail soigné, finition main, demi-journée. |
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Février
2000. Angle rue du Département et rue d'Aubervilliers, Paris XVIIIe. |
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Près du garage de l'angle, une flaque de pétrole arc en ciel dispute la place à une plaque de glace qui enserre le pied du robinet d'eau, moderne et municipal, fiché au milieu du trottoir. Gluant, glissant, maculé, le trottoir est jonché de meubles démontés et de vêtements pourrissants, la chaussée bordée de véhicules dont une bonne part largement désossés, dévalisés ou carbonisés. Une bande de gamins Black-Blanc-Beur entre 4 et 9 ans croise un tout petit Beur. Le plus jeune de la bande le gratifie une poignée de main présidentielle, longue, appuyée, solennelle. Salamalechs protocolaires.Ils se séparent. Le plus grand de la bande demande au plus petit. - Qui c'était, lui? - Tu le connais pas? C'est le petit vendeur de glace.
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Mardi
8 février 2000. Métro station "Belleville", Paris 19ème. |
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Sous terre dans la station se déplace un fort bruit ; un frout frout frout rapide et régulier, très légèrement couinant. Le bruit parcourt les couloirs et parvient au quai direction Nation sous les semelles caoutchoutées d'une paire de chaussures de sport propulsée à très petits pas glissés, sans jamais quitter le sol. 50 centimètres au-dessus des chaussures, sans bruit, raide et verticale, lévite une canne à bout caoutchouté, qui ni ne se balance, ni ne touche le sol. Dans la même position, situé en l'air là un mètre latéralement de la canne, un sac plastique Monoprix ne se balance pas non plus. Le sac et la canne sont maintenus en hauteur grâce à l'angle droit que forment chacun des deux bras d'un tout petit pépé trottinant. |
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Samedi
12 février 2000. Gare saint-Lazare. |
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La machine déverse sur le quai, les voyageurs , qui se faufilent, en
se hatant vers la sortie. Il sont là utilisant leurs corps pour stopper la marche. Une bousculade, c'est un jeune homme roux, aux cheveux bien courts, tout juste seize ans au teint laiteux qui tente de fuir, aussitôt rattrapé par un contrôleur. Dans son regard, un désespoir se transforme peu à peu en rage impuissante. |
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15
février 2000, 19h58. Métro Ménilmontant, Entre 20h00 et 20h.40 |
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A travers la toile de fines branches dénudées des arbres, sur fond du sourd vrombissement des voitures, des silhouettes mates et pressées marchent tête baissée sur la surface de noir mouillée du trottoir. Les pas muets engendrent des enjambées à coup sec et rapide. De petites variations de parapluie de couleur vive synchronisées au hasard d'un crissement de pneu traversent l'eau noire et dure tachée du vert de la pharmacie d'en face. Il pleut. | ||||||
Samedi
26 février 2000, 17h45 Jardin du Luxembourg. |
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Derrière les grilles, au loin, le bâtiment du sénat disparaît peu à peu dans l'ombre. Un trait de lumière orange le barre encore de part en part. Une foule sombre déambule lentement. Des coups de sifflets stridents et répétés percent ça est là. La foule se meut en ordre dispersé vers les grilles. Un large couloir noir de monde se forme alors dans les allées du square Marco Polo. | ||||||
Mardi
7 mars. Rue Vavin, Paris VI. |
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Le bus à l'arrêt, une voix qui vient de l'extérieur: |
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Samedi
11 mars 2000, 19h. Rue Vital, Paris XVIe. |
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Un quinquagénaire sort de sa Mercedes. La main fermement appuyée sur
le capot de la voiture, bras tendu, il entame une conversation avec un
autre homme devant un magasin très chic de costumes trois pièces. |
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le
14 mars 2000, 9h. Café Tabac de la gare, Fontenay-aux-Roses. |
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Au comptoir du Café, deux femmes bavardent. Chacune prend un grand crème
avec un croissant. La plus jeune, au bout d'un moment, met la tasse du
café sur le comptoir. La cigarette suspendue à la main gauche, sans arrêter
de fumer, elle passe doucement la main droite sur son ventre, le long
de la ceinture. En glissant les doigts entre l'abdomen et son pantalon
en cuir, la jeune femme dit : "Tu vois, elle est élargie". |
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18
avril 2000, 18h12. Boulevard Sain-Michel, sur le trottoir en face du Jardin du Luxembourg. |
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Devant un distributeur de billets " Société Générale " trois personnes attendent. Une dame âgée a du mal à introduire sa carte de crédit dans la fente du distributeur. Après avoir essayé deux fois, elle tend la carte au monsieur qui se trouve derrière elle et lui demande. " Monsieur, vous pouvez me le faire, parce que j'ai oublié mes lunettes et je n'arrive pas à faire le code". "C'est 7246 " articule-t-elle haut et fort. Gentiment, le monsieur compose le numéro. Le code ne marche pas. La dame insiste: " mais c'est bien mon code. Peut-être que je me suis trompée ". Elle fouille dans son petit sac noir et y retire un morceau de papier très raturé. En lisant, elle répète encore plus fort les mêmes chiffres, et pas de démarrage. La file d'attente est maintenant très longue, les gens regardent la scène. En se mettant à coté du monsieur, une dame blonde et manteau bleu proteste: " Qu'est-ce qui se passe là? ". Le monsieur regarde alors l'écran du distributeur et dit à la dame qu'il est en train d'aider: "Est-ce que vous pouvez attendre jusqu'à demain, parce que la caisse a retenu votre carte". Avec une sereine surprise, elle s'exclame: " Ah bon! Oui, je me débrouille ". |
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22
avril 2000, 20h30. Rue de Meaux, XIXe. |
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Une grande gigue
à la chevelure blonde-rousse, traverse la rue précipitamment, une boîte
de conserve à la main. Au moment où elle s'apprête à s'engouffrer dans sa
voiture, un homme, de l'épicerie d'en face, l'interpelle. Elle se retourne
et lui dit avec grand sourire et en tendant la boîte vers lui : - " Royal
Canin ", 9 francs 95, merci mon ami ! L'homme rentre tranquillement dans sa boutique. |
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Dimanche
23 avril 2000, 9h. Carrefour rue Damrémont, rue Belliard, rue du Poteau, XVIIe. |
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Deux hommes poussent une Renault 5 beige couverte de rouille et traversent
le carrefour en direction de la Porte de Clignancourt. |
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Mercredi
10 mai 2000. Boulevard de la Villette, près Métro Stalingrad, Paris XVIIIe. |
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Une bande de petits Blacks dévale le boulevard en courant. - T'es le dernier de ta classe!!! Naann, trop la honte! Eh! écoutez! venez-là! Ecoutez-ça! Il est le dernier de sa classe!!! Le désigné est le plus petit et il rigole. - Naaan, j'y crois pas! Le dernier! La bande s'enfonce sous un très grand porche, très sombre et très délabré. - Putain! le dernier de ta classe! J'y crois pas que t'a pas honte!!! - J'm'en fous. Ma soeur, elle est la première de la classe. |
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Dimanche
14 mai 2000. Parc de Belleville. |
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Odeur de fleurs, de pisse, de fleurs, de pieds. Une femme rose étalée au soleil. Odeur d’herbe arrosée, d’herbe fumée, de tabac. Un groupe de jeunes en silence à côté d’une fille blanche avec un bébé noir. Un cri libre, d’exercice vocal. Une conversation en portugais. Odeur de tilleul, odeur d’aisselle, odeur de couche pleine de caca, de crème solaire, d’herbe fumée, de tabac, de pisse, de rose. De poivron grillé. Une femme enlève ses lunettes de soleil et sourit. - Ah, salut! |
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5
août 2000 à 13H25. Place de la Sorbonne -Café Tabac de la Sorbonne. |
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Chaises jaune pastel autour de tables rondes, tantôt grises, tantôt avec un verre recouvrant un set de table décorés d'objets divers et un bord chromé. Des lampadaires vert foncé ouvragés par une guirlande de lierre torsadée sur le fût jaillissent entre les tables. Deux filles attablées discutent. L'une, cheveux auburn descendant sur les épaules, chemisier blanc et jupe aubergine avec un galon orné de fleurs imprimées, se réfère à des notes de cours et à un petit livre avec une couverture vert pâle. L'autre, pull vert malgré le temps assez chaud, cheveux bruns courts, sourcils foncés et yeux clairs. Elle porte une longue jupe verte constellée de fleurs rouges et son sac à main noir, au cuir fatigué, est posé sur un sac plastique jaune, sur une chaise à côté d'elle. Interruption de la conversation. Le téléphone portable de la fille au chemisier blanc sonne. Elle décroche et parle brièvement et à voix basse avec un interlocuteur inconnu. Elle raccroche et reprend sa conversation avec la fille au pull vert. Les arbres se servent du soleil pour dessiner des taches de couleurs dansantes sur les tables. Un autobus klaxonne. " Ah, tu vas aller à Beaubourg Ah ! Si tu veux. Ecoutes, je suis ". Les paroles se perdent dans la brise qui agite les feuilles des arbres, fait voler les cheveux et emporte les mots. Rires clairs. Elles se lèvent et partent. |
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