Liste des textes de l'année 1995

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Les textes de l'année 1995

Jeudi 3 janvier 1995, 20 heures
"Chez Max ", Paris X1éme.

Un bar complètement désert avec d'un côté du comptoir, le patron les bras croisés, impassible, et de l'autre, un pilier de comptoir devant un verre vide. Dehors, un concert de Klaxons fait rage mais leurs oreilles sont indifférentes.

— Qu'elle heure que t'as dit qu'il était ?
— 8 heures...
— 8 heures que tu dis?
— Et oui...

Dix minutes plus tard, les deux énergumènes n'avaient toujours pas bougé.

— Et là, maintenant, qu'elle heure qu'il est?
— 8 heures 10...
— 8 heures 10? ... ah ouais..?
— Et oui..

Alors, sans esquisser le moindre geste, le pilier de bar se mit à fixer son verre vide avec intensité.
La statue du patron ne le regarda même pas dans les yeux quand il lui dit non.

14 janvier 1995, 6h
rue du Louvre.

Un groupe de fêtards rentre dans le restaurant de "L'espérance", couscous de nuit pour taxi. Ils vont au fond, s'asseyent et parlent du décor : Formica, sono 1 watt, néon couleur néon et pas de fenêtre. Ils ouvrent le menu, à la dernière page, une publicité pour un club ringard en Tunisie, ils s'extasient et se moquent. Un couple vient s'asseoir derrière eux; un maquereau et sa pute s'installent, commandent, et peu de temps après s'endorment à table. d'autres maquereaux et d'autres putes se mettent à côté et soudain, au milieu de la merguez, l'une d'elles s'essuie aux cheveux longs et bouclés d'un nuitard attablé. «C'est un geste d'amour» dit-elle. Il l'en remercie et continue à manger. Plus tard, il fera jour.

Mercredi 18 janvier 1995
Beaubourg, revue parlée.

Sur l'écran, le poète — dont on brosse le portrait — finit à peine sa première phrase, qu'une petite fille, dans la salle, se fait entendre — avec l'accent d'un noyé — «Ma-man ! »

25 janvier 1995, 19h
Métro Porte de Versailles.

Deux hommes jeunes, blancs, sérieux, en manteaux et portant attaché-case s'asseoient côte à côte dans le wagon, direction Porte de La Chapelle. Ils parlent, épluchant les sujets de conversation, bureau, chef, commandes à venir. Après le travail, ils abordent les loisirs, avec le même sérieux.
— Il faudrait que j'aille à Eurodisney avant que ça ferme...
— Pourquoi, tu as des enfants ?
— Non, j'ai des invitations.

Samedi 4 février 1995, 18 h
rue des Martyrs.

Un homme est allongé sur le sol, une flaque de sang descend lentement sur le trottoir de la rue des Martyrs. C'est un homme jeune, il a une plaie béante sur son crâne rasé. Quelqu'un, un noir, lui maintient la tête. Le patron du café crie que oui, on a prévenu les secours. Un des garçons du même café a un haut le coeur, il s'enfuit. Des gens s'approchent, d'autres s'enfuient. Personne ne sait que faire. Personne ne sait ce qui s'est passé. C'est la panique. Les pompiers arrivent, vite. Ils déploient leur savoir, leur expérience. Masque à oxygène, couverture ignifugée, brancard. Dix minutes plus tard : plus aucune trace de rien. Les achats du week-end ont repris : boucherie, charcuterie... Ils ont même nettoyé la tache de sang.

Jeudi 6 mars 1995
rue des Volontaires, 15ème.

Dans sa boulangerie, derrière son comptoir, pointant son fusil à lunette, sur la toute petite fille, la boulangère, avec un accent portugais prononcé dit, just'avant que On, voisin, ne lui indique la similitude des coutumes enfantines du 18ème arrondissement : «haut les mains, peau de lapin, la maîtresse en maillot de bain».

Samedi 18 mars 1995, 7h 10
Gare de Lyon, TGV, voiture 14.

Malgré l'heure matinale, la voiture se remplit peu à peu. Et à quelques minutes du départ, pratiquement toutes les places sont occupées.
7h 11
Un homme pénètre dans la voiture, par le tambour. Il parcourt le wagon du regard et reprend sa respiration. Il a le regard affolé. Les tatouages aux coins de ses yeux accentuent sa nervosité.
— Mesdames, messieurs, actuellement au chômage, et sans aucun moyen de subsistance ....
— àttention à la fermeture imminente des portes, lui répond le conducteur du train par le biais des haut-parleurs.
— ... ou un ticket restaurant, continue l'homme sans s'être interrompu dans sa récitation.
7h 12
Le silence règne dans la voiture, personne ne réagit ni au discours de l'homme, ni à celui du conducteur du train. La jeune fille sort un tube de rouge à lèvres et un petit miroir, le petit homme bedonnant ressort un dossier oublié, les deux jeunes femmes du premier rang répondent aux questions d'un magazine.
L'homme insiste tout d'abord du regard, puis devant le mutisme général, s'accompagne discrètement de la voix, en tendant la main devant chaque voyageur.
7h 13
L'homme arrive au bout de la voiture, se retourne et jette un dernier regard d'espoir à l'intérieur, puis comme sorti de sa torpeur, se rue en dehors du train.
7 h14
Le train quitte le quai ... dans le silence ...

20 mars 1995
Boulevard Beaumarchais.

Le 20 s'arrête à Filles-du-Calvaire. La vitre du bus forme un cadre, en plan américain. Et laisse voir une dame, de la tête à la taille, une moitié de dame, assise sous l'abribus. Ne monte pas dans le 20. Doit attendre le 29.
Dans la soixantaine, la dame, cheveux mis en plis, colorés chatain roux, rouge à lèvres et aux joues, foulard bigarré autour du cou, gabardine beige, petit sac à main noir serré sur le giron. Impeccable et quelconque.

Le bus tarde à repartir. Trois touristes achètent des tickets à l'unité.
Dehors, la dame impeccable se lève. On la voit en entier, de la tête aux pieds.
Les orteils couleur bitume débordent des savates défoncées.
Les chevilles s'y évasent en un delta de crasse.
Les jambes forment des rondins noueux, au relief de varices noir et bleu, sur fond de peau poussière.
Le bas de la gabardine beige est souillé, plissé de trainées sombres.
A la taille, la saleté s'arrête. C'est la frontière.

Le corps se penche, ramasse deux gros sacs en plastique, à damier noir et blanc, des plastiques écorchés et, par endroits, troués.
Les deux moitiés de femme, sud et nord, s'éloignent à petits pas, entre caniveau et pierre de taille.

Jeudi 23 mars 1995, 18h
7 rue du Dragon.

Dans la cour de l'ancienne école, des petits enfants qui jouent au ballon surveillés par des femmes en boubou et au fond, sur la droite, les membres du collectif vidéo installent des chaises en rond pour se réunir. Un jeune homme passe pour la troisième fois du hall vers l'entrée, regardant toutes les affichettes d'information et revenant inlassablement sur ses pas. Dans un petit coin de soleil de la cour, un homme portant lunettes et attaché-case en rencontre un autre qui attendait. Ils se saluent.
Après les préliminaires d'usage :
— Tu viens pour quel collectif ?
— Le collectif Edition.
— C'est à quelle heure ?
— C'est maintenant mais je ne sais pas dans quelle salle, ça change tout le temps. Avant c'était dans la 103 mais c'est Gaillot qui l'a squattée.

Vendredi 24 mars 1995, 12h30
Gentilly.

En face du 20, rue des Champs-Elysées, un bâtiment des postes et deux personnes, un homme et une femme qui discutent au soleil. Rangé contre le mur, un vélo des PTT tout neuf, jaune des PTT, avec la selle bleu des Télécom. La structure est vieillotte, mais la selle fait un peu de course, rien à voir avec un vélo moderne mais pourtant il est flambant neuf. Deux sacoches à l'arrière et une à l'avant sont bourrées de courrier.

— Il est beau le vélo, on en voit pas des comme-ça à Paris.
L'homme et la femme se marrent et l'homme réplique :
— Oui mais elle monte jamais dessus, elle fait que le pousser alors…
Il montre comment elle fait et se marre.
— C'est pas un vélo c'est une charrette!
Une jeune femme noire en costume de facteur sort du bâtiment. C'est elle. Elle rajoute encore des paquets dans les sacoches, attrape le guidon et pousse.

3 avril 1995, 6h00 du matin
Rue du Sommet des Alpes.

La rue est bordée des deux côtés par de petits bâtiments industriels vétustes. A droite, les entreprises Barbaud, viande hippophagique et salaison, à gauche, un garage qui n'en n'a plus que l'apparence. A cette heure matinale, la rue est silencieuse, mais de ce silence particulier qui règne sur les villes brusquement abandonnées. Un camion garé là, au coin de la rue, les portes ouvertes, semble illustrer la rapidité de la fuite. Personne.
Tout à coup, du côté droit de la rue provient le gémissement hystérique d'un rideau métallique. A l'appel de ce cri, les lumières s'allument, la vie réapparaît, des hommes surgissent de nulle part. Des camions se suivent en convoi. Les hommes les prennent d'assaut, les ouvrent, et en sortent des monceaux de viande, des chevaux par quartiers, vidant ces camions comme une bête de ses tripes.
Un chat noir, finit sa toilette, s'étire, puis traverse la rue pour s'approcher des camions. Il a ses habitudes. Il s'installe sur le capot d'une voiture, et attends patiemment la chute providentielle d'un morceau de viande.

Jeudi 6 avril 1995, 13h
Bus 91 (ligne Gare Montparnasse - Bastille).

Les deux mêmes vestes, l'une vieux rose, l'autre vert clair, et deux fois la même serviette en Skaï noir. L'une parle à l'autre.
— … En plus, il voyage avec nous en 91. Je lui ai cloué le bec. Il m'a dit « ça ne vous plaît pas ce que je vous dit». J'y ai dit que si, pendant les heures de bureau, mais après le bureau c'est plus le bureau.

Le 20 avril 1995, 22h15.
Rue de Cléry.

Black out...
Tout le quartier se trouve d'un coup plongé dans un noir d'encre.
Silence soudain...plus de télé, plus de musique.
Les fenêtres de la rue s'ouvrent une à une. Des têtes curieuses se penchent.
Tout le monde attend, s'observe.
Au bout de quelques minutes, des bougies et des lampes électriques jettent leurs faibles lumières de ci de là.
Au troisième à gauche, une jeune fille apparaît. Son corps danse avec les reflets vacillants. Elle est nue et belle. La fenêtre du dernier de l'immeuble d'à côté aussi est ouverte. Un homme au torse nu, se penche sur le rebord, grille tranquillement une cigarette. De temps en temps, des bolides phares plein feu déchirent la nuit et la rue fantôme. Ils écrasent le silence. Quelque part des sirènes hurlent« au voleur », lancinantes.
Les minutes s'allongent, n'en finissent plus. Le temps est devenu élastique.
Puis, d'un coup, l'électricité inonde de nouveau le quartier. Des gens applaudissent, les fenêtres se replient.

Mai 1995, Deux heures de l'après-midi.
Rue Crespin du Gast, Paris 11e.

Sous le soleil d'un mai exceptionnellement chaud, un vieil homme en panama avance lentement sur le trottoir d'une rue étroite, flanquée d'immeubles en briques. Tout à coup, un énorme drap vermillon et humide voltige sur sa tête puis s'abat sur lui et l'enveloppe. L'homme tombe doucement en avant.
Quelques secondes après, une brune bronzée en short et tongues sort d'un immeuble, essoufflée.
— Excusez-moi monsieur j'étais en train d'étaler mon linge et le drap m'a échappé des mains, alors le temps de descendre du sixième... - elle explique à la pieuvre rouge qui bouge faiblement à ses pieds, sur le pavé.
— MMh, on ieu é-é oua! - râle peu clairement la pieuvre.
— Bien sûr, tout de suite, vous avez raison.
Elle lui décapuchonne la tête, puis l'aide à se libérer du reste drap, à se relever et à récupérer son panama.
— Vous vous êtes fait mal? Je sais vraiment pas comment m'excuser - elle reprend, monocorde.
Regagnée sa dignité, l'homme la regarde avec un sourire :
— C'est pas grave, belle enfant, c'est pas grave, c'est vraiment pas bien grave, par rapport à ce que ça aurait pu être...

3 mai 1995, 21h45.
Bastille.

La fin d'une journée ensoleillée. L'ange de la Bastille brille dans la nuit noire.
Rue de la Roquette, une bagarre. Deux pauvres gars, une histoire de quelques francs. L'agressé braille une bouteille à la main. Ça tourne mal. Il balance sa bouteille qui rebondit sur le camion d'en face, dans les hurlements, sans se casser.
L'agressé déséquilibré par ce geste manqué, l'autre se jette à son cou, la tête cogne la cabine téléphonique, dans une violence qui terrorise ceux qui téléphonaient.
L'agressé complètement assommé esquisse une réaction, l'autre recule, mais revient, sort une lame qui achève lâchement l'acte morbide.
Un cri, Non!… puis plus rien. De longues secondes de silence. Des voix… c'est pas un coup de poing, c'est un coup de couteau, il faut faire le 14, c'est le 14 ou le 18, non c'est le 18.

Mardi 8 juin 1995, environ 11h.
Rue Lecourbe.

La lumière s'atténue, une bruine bruine, l'asphalte au début est matifié; puis, doucement apparaissent les immeubles ; le reflet devient plus net, plus profond. Le bitume disparaît. C'est maintenant un gouffre lumineux. Un homme entre chez le boulanger et achète du pain ; une femme achète des fleurs au fleuriste, une petite fille, sans imperméable, traverse doucement la rue.

Mercredi 15 juin 1995, 16h00.
Bd des Invalides, prés du Carrefour Duroc.

Un jeune homme passe à toute allure sur son scooter, klaxonne avec insistance et réalise une série de pirouettes et figures dignes des meilleurs motards de la gendarmerie nationale. Il se déchaîne ainsi pour attirer l'attention de trois filles qui marchent bras dessus bras dessous le long du boulevard. Les filles ne lui jettent même pas un regard. Le jeune redouble de virtuosité. Quelques mètres plus loin, il s'arrête au feu rouge. Les jeunes filles, jouant de leur canne blanche, traversent devant lui le boulevard.

Dimanche 25 juin 1995, 16 heures peut-être 17 heures.
Place St Sulpice.

Du soleil, du vent, du soleil.
Du monde, autour et entre les stands.
Le long du trottoir de la rue Bonaparte, mangeant un peu le trottoir, un restaurant improvisé ; l'ardoise avec deux prix effacés danse au gré du vent.
Cliquetis de cuillère à café et brouhaha.
Par dessus, la voix d'abord, déclamante entre masculin et féminin, qui récite un poème terre, ma terre, brûlure de vent et d'autres choses encore.
Le visage, ensuite, très près du micro, lunettes cerclées de fer et coupe grise, une femme âgée.

Au carrefour, un homme jeune arrive.
Blouson mi bleu mi gris et des sandales noires d'où pointent des orteils brûlés de soleil.
Il tient un énorme sandwich, y mord à pleines dents, à faim vorace ; il écoute, mange, écoute, dévore, le cou s'allonge les yeux sont précis, inquiets, avides autant que les dernières morsures dans le sandwich.
Il ne regarde personne d'autre. Il est tout entier à son sandwich et à l'écoute.
Le sandwich englouti, il s'éloigne.
D'ailleurs la femme poète est descendue de l'estrade.
Cliquetis de cuillères et rumeur de circulation.

Vendredi 30 juin 1995, 18h45.
Station Sèvres-Babylone, direction Gare d'Austerlitz.

D'abord le type monte lourdement les marches. Une coupe de cheveux vaguement rock'n roll années 50, une banane, des yeux aux aguets, une mine lasse et mal rasé, un blouson trop chaud et crasseux.
Il se met soudain à gueuler. Se retourne. Une grosse femme monte tout aussi lourdement avec deux sacs bourrés. Elle va cahin-caha les sacs agissant comme des contrepoids. L'homme dit:« Putain les gosses, merde, faut qu't'aille les chercher chez - »« Ta gueule j'irai pas… » dit-elle en reprenant son souffle accoudée à la rampe.
— Tu m'emmerdes répond le type qui continue de monter…
La femme rétorque:« Si je t'emmerde rends-moi mon pognon… »
L'homme bougonne:« Ton pognon, ton pognon… »
La femme : — Je veux mon pognon…
L'homme : — Oh, écrase…
La femme: — Ecrase toi-même… Je veux reprendre mon pognon…
L'homme ne répond plus. Le dos courbé. La femme grommelle et se hisse à nouveau lourdement en s'aidant cette fois de la rampe d'escalier, les deux sacs dans la même main.

Vendredi 29 juin 1995,
entre 16h et 18h

Institut Arthur Vernes, service ophtalmologie.

L'employée derrière le comptoir.« On ne peut pas utiliser ce papier, Monsieur, je suis désolée, ça ne vaut rien, maintenant, il faut la carte parce qu'on est informatisé, avant ça marchait mais maintenant c'est plus possible. Je suis désolée, on n'y peut rien, je sais y sont nuls à la sécu. » Le monsieur de protester que justement, il en vient de la sécu. L'employée est bien d'accord.« Telle que vous me voyez, Monsieur, je suis décédée. Morte quoi. » Le monsieur se tait.
« Oui, je suis morte parce que j'ai pas été malade pendant vingt ans. Le jour où j'ai eu un petit
ennui, il a fallu trois ans pour refaire mon dossier! » Le monsieur se tait.

Juillet 1995.
Angle de la rue Haxo et de la rue des Bois. 19e arrondissement.

Il est écrit en gros, en rouge vermillon, sur un mur aveugle :

tu me manques Frédérique
je t'aime


En août est apparu à côté, en gros, rouge sang :

NON, FINI

21 juillet 1995.
Café "Le Zéphir", 20e arrondis-
sement.

C'est la canicule.
Sur le trottoir où s'étale la terrasse du café, le serveur qui s'apprête à fermer, débarrasse les petites tables blanches, sauf une. Une où un couple s'embrasse en face à face sans discontinuer. Le grand dos bleu clair de l'homme couvre la quasi totalité de la scène.
D'elle, déborde un bras potelé sur la gauche et un pied bat le rythme de l'autre côté.
Un grand ange en carton peint est pendu en haut du store et se dandine au-dessus de leurs têtes.

le 4/9/95, 14h00.
Jardin Public. Sq de Choisy dans le 13e.

Les enfants gambadent et jettent du sable dans les yeux des autres.
Un noir assis sur un banc s'adresse aux pigeons.
Le gardien sort de sa cabine, met sa casquette et salue une femme.
« Allez par là, Madame. C'est plus calme là-bas. »
Un enfant arrive à grimper sur le glissoir en contre-sens. Il reçoit un pied dans le visage. Des cris!
Le gardien se précipite vers le terrain de jouet et prend l'enfant dans ses bras.
Le noir met ses pieds sur le banc et ferme ses yeux. Le gardien s'en va chercher de l'eau dans une bouteille. Les pigeons circulent comme des jouets mécaniques. C'est l'après- midi dans le 13e.

Mardi 12 septembre 1995.
Rue Saint Maur.

Un couple discute intensément sur le trottoir. Il tient la portière ouverte de sa voiture. Elle lui parle sans reprendre son souffle. Il laisse son regard se promener derrière elle. Elle continue à parler.
— Ne te retourne pas, il y a une bombe derrière toi.
Elle continue à parler, puis s'arrête net :« Qu'est-ce que tu dis? »
— Ne te retourne pas, il y a une bombe derrière toi.
Quelques secondes s'écoulent dans le silence.
Elle se retourne.
Une bombonne de gaz bleu vif est pendue à deux mètres de haut, au-dessus de la porte d'une quincaillerie.


Vendredi 29 septembre 1995, 13 heures.
Avenue des Champs Elysées.

Il fait un froid clair d'automne.
Du bas vers le haut, en remontant. Trois arbres jeunes, un vieux, un lampadaire neuf façon vieux, un arbre jeune, un feu de signalisation neuf et moderne, une poubelle vieille mais bien conservée fermée, un banc vieux et une autre poubelle pareille à l'autre de l'autre côté, un arbre vieux, des arbres jeunes, avec toujours quelques poubelles avec des papiers gras parfois sur le couvercle et en dessous et autour.
Entrée du métro, station Charles-de-Gaulle Etoile.
Une personne à la fois, entre deux barrières.
Lui oui.
Lui oui.
oui.
Ah elle, son sac.
Lui non.
Elle, sac

etc pour rentrer dans le métro.

1er octobre 1995, 22 heures.
Rue Blomet

C'est la rue.
La rue monte. Puis descend.
Un arbre squelettique pend.
Les véhicules privés stationnent sur la chaussée. La poubelle clouée de l'arrondissement stationne sur le trottoir.
La photographie du sourire de la candidate aux élections de l'arrondissement flotte dans le caniveau.
Le talon à aiguille raisonne.
La patte du chien effleure le couvercle de la poubelle clouée de l'arrondissement.
Un homme émiette un croûton de pain.
Les deux talons à aiguille et la jupe fendue se frayent un passage entre les poubelles municipales et clouées.
Un ventre plat et une cuisse raffermie sont suspendus au dessus de la pile des somnifères. La pharmacie est ouverte tous les jours à l'exception des dimanches et des jours de fête.
La patte du chien soulève le couvercle cloué de la poubelle de l'arrondissement.
Le gardien de l'école surveille.
Les deux talons et la jupe fendue s'immobilisent.
Une brise tiède agite la jupe fendue.
Et sur l'écriteau crucifié sur l'armature en fer se dresse l'avis explicite suivant :« Pour la sécurité de nos enfants, ne déplacez pas la barrière ».

Le vendredi 6 octobre 1995, à 23h45.
Une place bruyante du 5e arrondissement.

- Trois terrasses de café, bondées.
- Une fontaine sans eau en son centre.
- Deux clochards commentent l'agonie de leur bouteille.
- Les quatre autres font une belote.
- Un car de police qui patrouille.
- Six pavés mal ajustés au pied d'un candélabre éteint.
- Une voiture bleue garée sur un passage protégé.
- Un marchand de crêpes Bretonnes du sud-ouest de Madagascar.
- Quatre vendeurs de roses flétries, qui se croisent sans un regard.
- Un chien faisant ses besoins.
- Un trottoir pris pour un urinoir.
- Une boite de soda posée sur une poubelle scellée.
- Dix-neuf fenêtres éclairées.
- Trente cinq trous noirs, grêlant les façades grises.
- Deux hommes qui marchent, l'un d'eux boutonne sa chemise.
- Une chaise bancale, supportant une jeune fille.
- Un auvent rouge sang.
- Un auvent vert canard.
- Un auvent jaune soleil de fin d'été.
- Trois fenêtres et une porte basse vitrée, en rez-de-chaussée.
- Un fluo qui clignote.
- Une allumette qui craque.
- Une cigarette consumée s'écrase dans le caniveau.
- Des touristes innombrables dévalent la rue.
- Une chaleur suffocante s'échappe de trois grilles encastrées dans le sol.
- Un guéridon de marbre qui refuse de bouger.
- Un vélo attaché, sans selle ni roue avant.
- Une moto passe au ralenti, la passagère scrute les terrasses.
- Un panneau de sens unique, mis à terre.
- Le flash d'un appareil photo.
- Le mélange des musiques.
- A droite les gens s'en vont vers d'autres lieux.
- A gauche, ils sont plus nombreux.
- Tous s'éloignent lentement en chantant l'Italie.
- Au centre, une porte vernie, derrière pas une terrasse, mais un bar et son odeur de vinasse.

8 Oct '95.
Le cimetière de Montparnasse.

Deux jeunes femmes se promènent parmi les tombes.« Où est Gérard, donc? »
« C'est bien l'allée nord... »
« Didier, Laurent, Guibert, Jules Per..Per quelque chose. Mais, où est Gérard? »
« Là, voila! il est là, le pauvre, à côté de... »
« Je n'aime pas la couleur. Noir c'est un peu... »
« Oui, mais il est mort. C'est normal. »
« A moins qu'on ait fait une erreur sur l'ordinateur. »« Allez, laissez le tranquille. Il est tard. Partons! »


Vendredi 13 Octobre 95.
Place des Fêtes.

« Pour votre sécurité, ce réceptacle est hermétiquement fermé. Malgré cet inconvénient, aidez la R.A.T.P. à garder le réseau net ».
Ces mots, imprimés en bleu sur fond blanc sur l'autocollant apposé sur le couvercle en fer noir de la poubelle jaune.
Dessus, une canette de "8.6" écrabouillée, un papier froissé, quelques tickets choc bleus, un mouchoir souillé, une peau de banane noircie, des bouts d'aluminium, un maïs rongé, un paquet de clopes, un bout de journal froissé. Tout ça en équilibre. Par terre, pas une miette.

16 Novembre 95, midi.
Entre la rue Boissonade et le rue Campagne première. Boulevard Raspail.

Dans l'encadrement de la porte du magasin d'alimentation chinois, un homme tient un chèque restaurant dans sa main gonflée, pendante. La brandit et crie, à l'adresse de deux hommes en bonnet assis sur le banc en face.
— J'en sais rien moi!
Echange sur le banc. Puis,
— Hier midi on a mangé des œufs de poulet, t'as qu'a prendre autre chose.

El l'un des hommes du banc, agacé, de se précipiter sur le ticket restaurant.

20 novembre 1995.
Ligne 9 direction Mairie de Montreuil.

Il est brun, chétif, pauvrement vêtu, la mine effarouchée et serre sur sa poitrine un accordéon rouge. Il est monté à Miromesnil et, sans s'annoncer, sans faire un pas pour s'engager dans le wagon, collé à la porte par laquelle il est entré, il a commencé à jouer, très joliment, discrètement, avec délicatesse et sentimentalité.
Un morceau, deux morceaux. Des hommes fouillent leurs poches, des femmes leur porte- monnaie.
Trois morceaux. Les conversations se sont tues, l'auditoire est sous le charme.
Les stations défilent, il joue toujours, les yeux baissés, comme pour lui seul. Des gens descendent, avec un regard vers l'accordéoniste.
A Bonne Nouvelle monte un groupe de jeunes bien vêtus. L'un d'eux, un blond un peu échevelé, fixe durement l'accordéoniste, qui cille à peine sous le poids de ce regard.
Subitement, le blond se lève et passe très vite dans le wagon, la main tendue. Les gens lui donnent machinalement la pièce préparée pour l'accordéoniste. A une dame qui, sur le point de faire de même, retient son geste et bredouille :« Mais vous n'êtes pas … », le blond jette agressivement :« Et alors? A moi, vous ne donnez pas? » La dame toise l'imposteur alors qu'il s'est déjà détourné pour poursuivre une quête furtive, elle accroche sa manche et lui impose sa pièce avec un« Si » plein de mépris.
Entre temps, l'accordéoniste a cessé de jouer. Il s'est détourné, face à la porte, la tête dans les épaules. République arrive, il descend comme il est monté, sans un mot, sans un regard.

Jeudi 23 novembre 1995, 22h environ.
Angle rue Mouffetard et de la rue du Pot de fer, Ve arrondissement.

Un Indien (ou Pakistanais) distribue des prospectus pour un restaurant du quartier.

Un homme d'une soixantaine d'années, bien mis de sa personne, bourgeois même, l'apostrophe soudain en passant à sa hauteur :

— La cuisine indienne c'est dégueulasse. Le curry ça sent le pipi de chat. Et vous en mettez dans tous les plats. D'abord la cuisine, c'est français. Il n'y a de bonne cuisine que française.

Puis devant l'impassibilité de son interlocuteur qui continue à distribuer ses tracts, il s'enflamme tout seul :

— Si la cuisine française ne vous plaît pas, vous n'avez qu'à retourner chez vous manger votre tambouille ; je suis français moi Monsieur, de parents français. Et même Bretons…

A ce moment vient s'interposer entre l'hindou imperturbable et le breton un troisième larron, la trentaine (ou peut-être moins) allègre et rigolard, qui fait :

— Pourquoi vous dites ça? Je suis breton moi aussi, et j'aime bien la cuisine indienne, ça n'a rien à voir…

L'autre le coupe alors :

— Vous êtes Breton? Mais de quel coin? Moi je suis de Chateaubriand et par ma mère de Fougère.

— Ca ne m'étonne pas, les Bretons bretonnants je les emmerde, moi je suis Breton français, les bretons bretonnants ont tous collaboré avec les Allemands, je suis Breton français depuis quinze générations, comme Jean-Marie, qui a bien raison de vouloir renvoyer tous ces étrangers chez eux…
etc, etc.

29 novembre 1995, deux heures de l'après-midi.
1, rue Saint-Jacques, Paris 5e.

Il fait un froid de canard.
Le deuxième feu de la rue Saint Jacques (venant de la Seine) est en pente. Il est rouge, maintenant : plusieurs vélos attendent coagulés au delà des voitures, au delà de la ligne de stop et à la limite de l'aire de survie.
Parmi eux, une dame habillée chicosportif se déhanche de la selle d'une bicyclette bien rouge et brillante. Finement ciselée dans du caoutchouc antidérapage, la pointe de sa bottine gauche touche à peine le pavé glacé, tandis que la droite reste calée sur sa pédale et prête au démarrage.
Sous les plis tendres d'un anorak en daim et d'un joli mouvement de sa poitrine, la dame respire visiblement ; ses mains gantées serrent à mort les freins. Brune, sobrement maquillée, un rouge à lèvre foncé qui souligne le pli déterminé de sa bouche, elle regarde droit devant elle, alerte. Elle peut avoir quarante ans, quarante cinq à tout casser.
Vert!
La dame démarre comme tout le monde, mais son guidon se tourne inexorablement vers la droite et le vélo s'incline en rupture d'équilibre, jusqu'à ce qu'elle saute de la selle pour avoir ses deux pieds sur la chaussée.
— Mince!
Raté.
Elle s'y remet.
Bien accrochée au guidon, elle pousse sur les pédales dans un effort surhumain. Hélas, c'est vers la gauche que son guidon s'abat cette fois, vers les voitures qui commencent à passer en la contournant.
— Merde!
Les pieds à terre, elle range dans une poche son bonnet exotique et recommence. Droite, gauche, gauche, gauche encore, tout près d'une camionnette.
Rouge.
Elle descend du vélo, qu'elle appuie contre le poteau du feu même. Elle s'assoit sur le bord du trottoir et enlève ses gants. Elle ouvre son sac à dos, y range ses gants et en sort une clef anglaise, à l'aide de laquelle elle dévisse les couvre- boulons du pivot de la roue arrière. (Elle met les couvre-boulons dans sa poche). Elle sort de son sac deux roulettes comme on en met aux vélos des petits enfants qui ne savent pas encore en faire. (Vert). Elle les visse soigneusement au pivot des deux côtés de la roue arrière, remet les couvre-boulons et revisse le tout très fort. Un peu de graisse lui a tâché les mains, mais elle se les nettoie avec un kleenex sans broncher. Elle se relève, remet ses gants, remonte en selle.
Rouge.
Vert.
Elle repart sur son tricycle, avec dignité.

Mardi 5 décembre 1995, 15h00.
Place Saint-Médard, en bas de la rue Mouffetard. Paris 5e.

Une fontaine trône au centre de la place. Elle est entourée d'une bande d'un mètre de large de gazon.
Sur cette bande de gazon, trois hommes vêtus d'une combinaison verte s'activent autour de trois sapins plantés autour de la fontaine.
Les hommes ont la tête couverte d'une cagoule blanche en plastique équipée d'un masque à gaz et de lunettes. Les hommes tiennent à tour de rôle un tuyau relié à un camion et pulvérisent de la neige artificielle sur les sapins. Les arbres, d'une hauteur de deux-trois étages blanchissent, le gazon blanchit, la fontaine se couvre de mousse blanche, les trois hommes verts blanchissent, le camion, cracheur de neige, blanchit, le trottoir blanchit, la place blanchit, la neige tombe en flocons épais, les passants blanchissent.
Personne ne tousse.

Jeudi 7 Décembre 1995, 15h30.
Rue de Belleville, lisière des 19e et 20e arrondissements.

Une dame d'un chic sobre et d'un âge certain se plie à deux reprises dans une posture ergonomique. Elle cueille ainsi délicatement dans un mouchoir blanc les deux crottes que son toutou ascétique en manteau crème et poils immaculés vient de déposer à trois mètres de distance l'une de l'autre, en un lieu bien choisi quelque peu à l'écart du flot de piétons.
Le bras levé et le petit doigt en l'air, la dame tient en main la corolle de papier blanc qui s'épanouit autour de la crotte tournée vers le ciel. Tirant de l'autre bras le chien au bout de sa laisse, elle se dirige sans hésitation vers l'asphalte de la rue de Belleville.
De ce côté-ci de la rue, c'est-à-dire celui qui appartient au 19e arrondissement, il ne reste des poubelles publiques en plastique vert que leurs couvercles accrochés aux poteaux. La dame se trouve donc empêchée d'abandonner ici son précieux fardeau. Toutefois elle se refuse à confier ce dernier au caniveau où un ruisseau finirait par l'emporter.
Toute à sa préoccupation hygiénique, elle se lance sur le passage pour piétons qui franchit à cet endroit la rue de Belleville, au milieu d'une marée de véhicules. Un vélo lancé à grande vitesse dans la descente fait une dangereuse embardée pour éviter la dame à la crotte et son chien, qui battent en retraite vers le trottoir, sans grand émoi.
S'étant cette fois assurée de disposer du temps nécessaire pour effectuer en toute sécurité sa traversée, la dame emprunte à nouveau le passage pour piétons, avec calme et dignité, le toutou apeuré dans les jambes et la crotte haute.
Parvenue sur le trottoir du 20e arrondissement, qu'elle remonte sur 100 mètres avec la même élégance, la dame trouve enfin, fixée à un feu de si- gnalisation, la poubelle métallique, ronde, entière et ouverte, qui accepte d'accueillir la malodorante manifestation de son esprit civique.

Lundi 12 décembre 1995, trois heures du matin.
Place de Ménilmontant.

— Putain ça va pas la tête, non?
La nuit qui glace la place de Ménilmontant a accueilli un cri de femme à l'accent maghrébin. C'est une adolescente en jeans qui bondit d'un banc puis recule à pas lents, les mains sur sa tête. Sa voix nasale a les pics stridents de l'hystérie.
— T'as vu ce que tu m'as fait, espèce d'enfoiré? Non mais t'es cinglé, toi. Ah c'est pas vrai, putain le con! Le con!
Une voiture couvre sa voix d'un vrombissement et l'éclaire au passage pendant qu'elle tourne et retourne sa tête, les bras levés.
— Salaud, enculé de ta mère, t'es un connard, CONNARD!
Elle reprend son souffle et recommence d'un ton plus bas, plaintif :
— Mon père, - mais les larmes noient ses mots pendant qu'elle s'éloigne vers Belleville, pleurant fort dans le froid.
Debout devant le banc, un très jeune garçon la regarde disparaître, sans un mot. Dans sa main droite, il a des ciseaux ; dans la gauche, une mèche longue et épaisse de cheveux noirs frisés.
Ses yeux sont très, très ouverts.

14 décembre 1995, sept heures et demie du soir.
Rue Oberkampf, dernière épicerie arabe sur la gauche avant la place de Ménilmontant.

Dans l'épicerie éclairée au néon la radio tape fort de ses ondes sonores contre les produits étalés. C'est une voix grave et adulte qui parle.
— Tu as des problèmes à la pénétration?
Répond la voix d'un jeune.
— C'est ça, elle est toute sèche, ça... ça coince.
De son tabouret, l'épicière à la tête voilée lève les yeux sur le jeune homme qui est à la caisse et dont elle partage les traits du visage. Croisant ce regard il ébauche un sourire et change immédiatement de station.

Mercredi 20/12/95.
Rue de Tolbiac.

Le pont de Tolbiac, arcs d'acier bleu et rouge, contraste avec la griserie des voies de chemin de fer qu'il surplombe. Le pont est fermé. Des palissades de tôles blanches striées de vert, interdisant la traversée, un nouveau pont temporaire à été construit en amont, à quinze mètres environ. Les véhicules ainsi que les piétons sont obligés de l'emprunter. Le pont de Tolbiac a vécu. Dans quelques mois ils sera démantelé indique le panneau« ICI L'ETAT INVESTIT POUR VOTRE AVENIR ».

Dimanche 24 décembre 1995, dix neuf heures.
Boulevard Haussmann.

La Foule se presse. La lumière des grands magasins se reflète sur le trottoir. Les camelots débarrassent leurs étalages, un vendeur de marrons prend la pluie, un Père-Noël porte à sa bouche un gobelet fumant, une longue semaine touche à sa fin.
Au pied d'une vitrine un gamin s'émerveille. Il a la bouche ouverte, le visage tiré vers l'arrière et les mains jointes derrière le dos. La vitrine prête vie à une colonie d'ours en peluche -certains pêchent, d'autres scient du bois et d'autres encore escaladent une montagne en carton. Il y a là, en miniature, un toboggan, un moulin, une cuisinière, une automobile et même un avion. Et aux commandes de cet avion, un ursidé à lunettes. Et le tout animé! Les ailes du moulin tournent, la cuisinière fume, les roues de l'automobile patinent, l'avion plane au-dessus du toboggan, un poisson se balance à la ligne de l'ourson pêcheur. L'enfant se retourne et cherche sa mère du regard. Elle a disparu. Le visage de l'enfant se transforme, de l'émerveillement il passe à la détresse. Ses yeux se gorgent de larmes et ses traits se creusent. L'enfant trépigne, appelle sa mère et disparaît en courant dans la foule qui se presse.